Cette interview a été rédigée par Sibylle Deschamps (Agoria) et a également été publiée sur le site d’Agoria.
Nous sommes tous noyés dans l’information. Teams, SharePoint, mails, serveurs, chatbox, archives, outils métiers… Le travail moderne est devenu une navigation dans un océan de données. Nous les stockons, partageons, dupliquons, cherchons, parfois en vain. Nous perdons des heures pour retrouver un document – et finissons (parfois) par le recréer, faute d’en avoir tracé la dernière version.
C’est le quotidien des entreprises, petites ou grandes. C’est peut-être votre quotidien ? C’est en tous cas le symptôme d’un désordre profond : le chaos informationnel.
C’est précisément à ce problème qu’Exquando, entreprise membre d’Agoria spécialisée dans la gestion de l’information, s’attaque depuis plus de 16 ans. À sa tête : Marc Ansoult, bioingénieur et docteur en sciences de formation, passé par le service IT de Brussels Airport, Capgemini ou encore le secteur spatial. Il raconte très simplement et avec conviction ce qui conduit une organisation à dire un jour : « on n’y arrive plus ».
À quel moment une entreprise fait-elle appel à Exquando ?
« Quand quelqu’un pète un plomb », répond spontanément Marc Ansoult. Ce point de bascule est clair : tout va bien… jusqu’au moment où ça ne va plus. Documents introuvables, mauvaises versions, procédures contradictoires, outils mal exploités, avec pour conséquence des décisions erronées et parfois des accidents. Le déclic arrive souvent dans la douleur :
« En gros, quand il y a trop d’informations, que les gens ne la retrouvent plus, qu’ils la recréent, qu’ils perdent du temps. Là, ils se disent : on a un problème. »
— Marc Ansoult
Étonnant mais révélateur : les entreprises ne manquent pourtant pas d’outils technologiques. Mais elles manquent d’organisation. Dans beaucoup de structures, l’information est un bien commun sans propriétaire, explique Marc Ansoult. « Tout le monde l’utilise. Personne ne la gère. »
Exquando n’installe pas de logiciels, elle remet l’information au centre
Marc Ansoult le dit clairement : « il y a déjà suffisamment de logiciels sur le marché ». L’enjeu n’est pas d’en vendre un de plus. Mais plutôt d’apprendre à se servir de ceux qui sont à notre disposition. Et surtout d’organiser et définir qui gère quoi. Pour cela, l’offre d’Exquando repose sur trois axes :
- EIM (Enterprise Information Management) : Mise en place de gouvernance, processus, glossaires, rôles et change management
- AEC (Architecture, Engineering, Construction) : Document control sur des projets techniques et industriels
- IAP (Information Asset Preservation) : Archivage et préservation à long terme
Ces trois domaines couvrent tout le cycle de vie d’un document, depuis sa création jusqu’à son archivage définitif .
L’entreprise travaille avec de grands groupes (Elia, UCB, GSK, BESIX), mais aussi des communes, des ONG, des entreprises de tailles diverses. Partout, le constat est le même : la technologie ne suffit pas.
L‘infoSystem : une vision holistique de l’écosystème informationnel
Plutôt que de partir des outils, Exquando part de l’information. Son approche se base sur l’infoSystem Model Canvas, inspiré du Business Model Canvas (BMC) : au centre, la valeur ajoutée est l’information de confiance.
Un écosystème basé sur l’information, terriblement humain et vivant avec :
- l’information au centre qui est entreposée et gérée dans des logiciels
- la digitalisation (processus, outils) en support
- le change management comme canal vers les individus
- la gouvernance qui permet de créer la confiance
- les lois & le vocabulaire partagé comme culture et base identitaire commune.
L’idée est simple, mais puissante : un document n’a de valeur que si l’organisation sait où il est, qui en est propriétaire, et s’il est fiable.
Et si l’information était une ressource naturelle ?
C’est la métaphore fondatrice de Marc Ansoult. Comme l’eau dans les aquifères ou les poissons dans les rivières, l’information est une ressource commune. Sans règles, elle s’épuise, se dilue, se perd. Pour la gouverner durablement, il s’inspire des travaux d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’Économie en 2009, dont trois principes sont essentiels :
- Impliquer les utilisateurs : Pas de gouvernance efficace si les utilisateurs ne sont pas acteurs.
- Mettre en place de contrôle & supervision : Mesurer si l’on retrouve mieux l’information, si la qualité s’améliore réellement.
- Imbriquer les gouvernances. Les gouvernances de chaque département doivent converger vers une gouvernance d’entreprise.
Ces trois principes forment une boussole : l’information n’est pas l’affaire d’un département mais de toute l’organisation.
Les compétences clés chez Exquando : plus humaines que techniques
Contrairement à l’idée qu’on se fait du monde de la gestion des documents, Exquando ne cherche pas d’abord des développeurs, mais des profils capables de dialogue, de pédagogie, d’écoute et d’assertivité.
On y retrouve :
- Des archivistes
- Des document controllers & lead document controllers
- Des consultants certifiés en Information Management
Certains viennent du monde des bibliothèques, d’autres de l’ingénierie. Tous ont un rôle clé : faire circuler l’information, créer l’adhésion, soutenir le changement. Parce qu’un processus n’existe que s’il est connu, respecté et utilisé.
« Nos document controllers sont des personnes qui ont le sens du contact. Il n’existe pas d’école ou de diplômes : nous les formons nous-mêmes dans notre academy. Nous avons par exemple une collaboratrice qui est infirmière et une autre qui est assistante sociale de formation. »
— M. Ansoult
Pourquoi tant de projets digitaux échouent-ils ?
Parce qu’ils oublient l’humain. On met de l’argent dans la technologie, parfois un peu dans le changement. Mais presque jamais dans la gouvernance. Résultat : formations SharePoint suivies… puis abandonnées. Migrations lancées… puis contournées. Des outils achetés pour des budgets conséquents… utilisés à 15 %. Sans gouvernance, l’outil est une coquille vide.
« Souvent, les organisations pensent que le problème est technologique. Mais il vient du manque de règles, de rôles, de décisions partagées. »
— M. Ansoult
Penser systémique : voir l’entreprise comme un tout
La clef finale pour Marc Ansoult, peut-être la plus essentielle, c’est la pensée systémique.
« Comprendre que l’information, les outils, les individus et l’organisation forment un seul et même système semble évident. Pourtant, cette vision systémique reste largement absente de nombreux projets de transformation digitale » assure Marc Ansoult.
On se concentre trop souvent sur la technologie — l’outil, la plateforme, la migration — sans mesurer le temps, l’énergie et la discipline nécessaires pour mettre en place une véritable gouvernance.
À cela s’ajoute ce que l’on nomme la rationalité limitée : chacun voit le système depuis son propre périmètre, avec ses contraintes, ses priorités, ses usages. Personne n’a la vue d’ensemble. Un service optimise son organisation, mais ignore l’impact sur les autres. Un outil répond à un besoin local, mais crée une complexité globale. Ce qui résout un problème ici… en crée un nouveau ailleurs. C’est ainsi que certaines solutions d’aujourd’hui deviennent les problèmes de demain. Parce qu’on a soigné le symptôme, mais pas le système.
Conclusion : Gouverner l’information, c’est gouverner l’entreprise
La gouvernance de l’information ne s’achète pas. Elle se construit progressivement. Elle prend du temps (beaucoup de temps !), demande de la clarté, de la patience, de l’écoute. C’est une démarche profondément humaine.
Exquando ne vend pas des outils. Elle aide les organisations à reprendre la main. À faire de l’information non plus une source de chaos, mais un actif stratégique. Un véritable bien commun à préserver et faire fructifier ensemble.